Versions 2 du 7.1.2025
Dans les tentatives de résoudre le paradoxe de la dichotomie de Zénon, une idée fréquente compare ce paradoxe à manger un gâteau en le divisant en deux, encore et encore, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Cette approche, que j’appelle la proposition atomiste, suggère qu’on finit par atteindre le dernier atome, expliquant ainsi que le parcours se termine une fois tous les atomes épuisés.
Cependant, à mon avis, c’est une erreur. Elle oublie que le mouvement ne crée pas de matière et est totalement indépendant des atomes.
Considérer les paradoxes de Zénon sous l’angle atomiste n’est donc pas valable pour résoudre ces problèmes, car le problème soulevé par la dichotomie concerne un déplacement, et le mouvement, n’engendrant pas d’atomes, ne peut être compris en termes atomistes. Cette proposition oublie aussi un aspect crucial : le temps. Les paradoxes de Zénon prennent racine dans l’ordre chronologique du parcours des moitiés restantes.
Un voyage nécessite une zone médiane tout comme il a besoin d’un point de départ et d’arrivée. Cette zone médiane est essentielle pour relier le départ et la destination. Le mouvement n’est jamais instantané, contrairement à l’instant où le dernier atome du gâteau pourrait être mangé.
Si la longueur d’un atome était à traverser, il faudrait toujours passer par sa moitié puis par une infinité d’autres moitiés restantes.
Le défi réside dans la façon dont un objet peut achever un trajet en passant d’abord par une moitié, puis les moitiés suivantes, créant ainsi une série infinie de nouvelles moitiés à traverser. Le cœur du problème est d’expliquer comment atteindre la fin, sans dernière moitié, car il devrait y avoir constamment de nouvelles moitiés, ce qui devrait rendre l’achèvement du parcours impossible. Pourtant, il se termine et c’est bien là le paradoxe. Cette finalité constatée est logiquement impossible et pourtant elle se fait ! On ne peut donc résoudre le paradoxe en se contentant d’observer la finalité de la destination, puisque c’est précisément cette finalité qui est impossible et qui est le pilier central du paradoxe.
Avant d’atteindre sa destination, un objet doit suivre un ordre temporel précis : l’arrivée ne peut précéder le départ, ni le départ précéder le passage par la zone médiane. Si cela est vrai pour la première zone médiane, on peut postuler que c’est aussi vrai pour toutes les moitiés restantes. Comprendre cet ordre est difficile. Comment expliquer qu’un parcours se termine, alors que théoriquement, il ne devrait pas ? Comment l’expérience réelle du mouvement s’accorde-t-elle avec cette impossibilité logique ?
On ne peut ignorer la théorie non plus. Si on dit qu’il n’est pas nécessaire de passer par une zone médiane, alors on suppose que l’objet peut arriver à destination instantanément, sans le passage physique par cette zone. Cela reviendrait à dire que la téléportation est possible, et il faudrait alors le démontrer par l’expérience.
Une autre erreur serait de penser qu’en divisant l’espace, on finira par avoir une partie si petite qu’on peut l’ignorer. Mais ignorer même une seule moitié ne fonctionne pas, car toutes les parties doivent être franchies pour finir le trajet. Ignorer une moitié, c’est comme dire qu’on peut passer directement du début à la fin, ce qui serait une téléportation. Sauf si, à l’échelle subatomique, les règles permettent une telle téléportation, ce qui reste à être démontré et qui créerait un nouveau mystère inexpliqué et donc ne serait pas une résolution du problème.
Omettre une seule moitié restante serait comme ne pas mettre la dernière pièce d’un puzzle et dire qu’il est complet alors qu’il ne l’est pas.
L’idée d’un temps pixelisé à l’échelle subatomique est à retenir, mais elle pose d’autres questions, détaillées dans l’article spécialisé ci-dessous.
De toute façon, comme le mouvement ne crée pas de matière, comparer cela à diviser un gâteau en deux jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien reste une erreur courante de raisonnement qu’il est crucial de corriger.
Note : un passage et non une division… En 1998, j’ai renommé le paradoxe de la dichotomie en PÉMR (Parcours Éternel des Moitiés Restantes) pour clarifier la confusion liée au terme “division”. Le PÉMR souligne qu’aller de A à B nécessite de passer par une zone médiane, un passage physique et non une division théorique. Ce passage est aussi crucial pour le mouvement que l’existence d’un départ et d’une fin. Le mouvement, continu et indivisible, est fait de passages et non de divisions, contrairement à ce que suggère la notion de dichotomie, qui évoque un mouvement segmenté ou un choix conceptuel. La nécessité de traverser les zones médianes est une réalité physique. Cela concerne également le paradoxe d’Achille et la tortue, où les étapes pour rattraper la tortue ne sont pas de simples concepts, mais des passages obligés. Ignorer une seule de ces étapes, c’est comme omettre la dernière pièce d’un puzzle, prétendant à tort qu’il est complet parce qu’il est presque fini.
Réduire les paradoxes de Zénon à un simple problème de division, c’est négliger l’élément crucial du temps. Mais si les divisions ne sont pas des coupures interrompant un mouvement fluide, mais des passages, comme le suggère le “Parcours Éternel des Moitiés Restantes” (PÉMR), alors l’idée de progression temporelle émerge. C’est l’ordre chronologique dans lequel les moitiés restantes sont parcourues qui pose problème à la résolution du PÉMR.
Diviser une distance infiniment ne rallonge pas le chemin ; on peut diviser un espace et un temps en une infinité de segments sans rendre un parcours entre A et B plus long que fini. En additionnant ces divisions, on retrouve la distance entre A et C.
Le véritable défi du PÉMR réside dans le parcours temporel de ce chemin, morceau par morceau. Ce n’est pas la longueur finie entre A et B qui résout le problème ou contredit Zénon. Le problème surgit lorsqu’on veut traverser cet espace dans le temps, moitiés après moitiés.
Progresser chronologiquement à travers une infinité de moitiés restantes est la vraie difficulté. Le calcul infinitésimal montre une somme finie, confirmant que le parcours est fini, ce que Zénon savait déjà. Le paradoxe réside dans l’atteinte de cette finitude, qui semble impossible.
Calculer la finitude ne fait que reproduire le paradoxe, car c’est la possibilité de cette finitude qui demande explication. Le calcul seul ne résout pas le mystère de franchir la dernière moitié. Cette impossibilité logique maintient le paradoxe.
Diviser un espace en une infinité de moitiés conserve sa taille globale, mais ignorer la chronologie revient à mal interpréter le problème. Sans intégrer la dimension séquentielle, on croit à tort avoir résolu ce paradoxe, ce qui est un biais de raisonnement et prouve que le paradoxe n’a pas été compris.
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Olivier Dusong
Tentative de résolution